Ceci est un guest post écrit par Jérôme Malhache, généalogiste professionnel installé en région parisienne. Il partage son expérience des archives à travers des articles et des cours dans lesquels il analyse sources et méthodes de recherche. Ses précédents billets sur le Centenaire 14-18 portaient sur la fiche matricule, les JMO, les Morts pour la France, les soignés et les soignants et les fusillés.
Nous sommes dans la dernière année des commémorations du centenaire de la Grande Guerre. L’année de la Victoire. Le 11 novembre prochain ce sera l’anniversaire de l’armistice. Mais c’est un peu plus tard, le 28 juin 1919, avec la signature du traité de Versailles, que l’Alsace et la Moselle ont été officiellement restituées à la France. Cette restitution a entrainé la réintégration de plein droit dans la nationalité française des Alsaciens et des Lorrains vivant dans ces territoires. La réintégration est réputée effective à compter du 11 novembre 1918. Elle concerne les personnes qui ont perdu la nationalité française par application du traité du 10 mai 1871 et qui n’ont pas acquis une autre nationalité que la nationalité allemande depuis cette date. Elle concerne aussi leurs descendants, nés pendant l’annexion. En revanche les natifs d’Alsace-Lorraine issus d’un ascendant allemand en ligne paternelle, immigré en Alsace-Lorraine après le 15 juillet 1870, sont exclus de la mesure.
Ainsi pendant la Première Guerre mondiale, Alsaciens et Mosellans étaient sujets allemands, donc soumis aux lois allemandes, et donc à celles sur le recrutement militaire. Dans l’Empire allemand, différents États auparavant confédérés avaient conservé leurs propres armées placées sous commandement impérial. Naturellement le Reichsland Elsass-Lothringen (Alsace-Lorraine) n’avait pas d’armée. Par conséquent Alsaciens et Mosellans soumis à la conscription venaient renforcer les contingents des armées prussienne et bavaroise.
Cette configuration suscite des difficultés spécifiques pour le chercheur qui souhaite reconstituer le parcours d’un ancêtre d’Alsace-Lorraine en 14-18. Car autant, au bout de ces quatre années de commémoration, les généalogistes ont pris l’habitude de naviguer dans des archives françaises massivement numérisées, comme les registres matricules ou les journaux des marches et opérations, autant l’incorporation sous l’uniforme allemand les confrontent à de nouvelles problématiques.
Les archives
Pour commencer le généalogiste doit savoir qu’il ne trouvera pas l’équivalent de nos bonnes vieilles fiches matricules pour les classes 1872-1918. Non pas que des registres matricules n’aient pas existé dans l’armée allemande. Mais conservés près de Berlin ils ont été détruits par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, comme c’est le cas en France, le processus de la conscription se déroulait en différentes étapes. On peut donc avoir recours aux listes préparatoires au recrutement militaire conservées en série AL des Archives départementales des trois départements concernés (Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin). Cependant, si ces listes de présentation devant le conseil de révision indiquent l’arme dans laquelle le jeune homme pourra être versé, en revanche elles ne précisent pas le régiment.
Cela-dit il existe bien des registres matricules pour les classes de 1893 à 1918. Mais les fiches matricules en question ont été établies après la guerre, en 1919, par l’administration militaire française. Elles ne concernent donc que les hommes qui avaient survécu au conflit et qui n’étaient pas encore dégagés de leurs obligations militaires. On les retrouve elles aussi aux Archives départementales, classées en série R comme en Moselle, en série AL comme dans le Haut-Rhin ou en série D (fonds des districts ou Besirke) dans le Bas-Rhin. La plupart du temps ces fiches ne fournissent aucune indication sur les affectations du conscrit dans l’armée impériale allemande. Au mieux on y trouvera une simple mention de l’unité dans laquelle l’homme a servi mais ses services ne seront pas plus documentés que cela. C’est le cas par exemple avec ce conscrit de la classe 1910, né à Hottviller en Moselle en 1890, dont on dit simplement qu’il « a servi dans l’armée allemande au 138e régiment d’infanterie comme 2e classe » (feuillets nominatifs de contrôle et matricules reconstitués de la subdivision de Sarreguemines, AD 57, cote 2R 317). C’est au moins un début de piste pour éventuellement poursuivre les recherches dans les archives allemandes (voir sur https://ersterweltkrieg.bundesarchiv.de/genealogie.html en bas de page deux PDF à télécharger, sur la méthode et sur les adresses utiles). Mais la plupart du temps les fiches reconstituées sont muettes sur ce point.
D’autres sources
Les autorités françaises n’ont pas établi de fiches matricules pour les conscrits morts sous l’uniforme allemand avant 1919. Inversement le fait que l’ancêtre soit mort pendant la guerre peut constituer un moyen pour en apprendre un peu plus sur son parcours. En tout cas, pour au moins identifier son unité.
Sur ce thème l’ouvrage de référence est celui publié en 1929 par l’ancien député de la Moselle Jean-Pierre Jean, « Le Livre d’or du Souvenir français. Lorraine, Alsace, Luxembourg, Lorraine sarroise », même s’il n’est pas exempt d’erreurs. Les notices indiquent le lieu du décès et l’unité d’appartenance. En Moselle l’abbé Louis Weber, curé de Réning, avait répertorié, commune par commune, plus de 15.000 Lorrains morts en servant dans l’armée allemande pendant la Grande Guerre. Le département de la Moselle est allé plus loin à partir de ce socle en réalisant une base de données dénommée « Mémoire 1870-1918 » consultable sur le site des Archives départementales. Cette base recense les soldats mosellans morts au cours des guerres de 1870-1871 et 1914-1918. La recherche peut être effectuée sur la seule Première Guerre mondiale en interrogeant la base soit par le nom du soldat soit par les lieux de naissance ou de décès. Là encore ces quelques informations permettent au moins de fixer le cadre du parcours.
Dans le même ordre d’idée, faute de document conservé au fond d’un tiroir, la famille du combattant peut avoir gardé en mémoire qu’il a été fait prisonnier. Si tel est effectivement le cas il existe une chance de le retrouver dans les listes dressées par la Croix Rouge et consultables sur le site du CICR. Attention, même si pour vous votre grand-père ou arrière-grand-père est français, pensez bien en formulant votre requête que vous recherchez un prisonnier allemand.
La fiche récapitulative vous indiquera au moins dans quelle unité le soldat servait, comme dans l’exemple ci-dessous le 224e régiment d’infanterie, 1ère compagnie. Les documents référencés sur la fiche, eux aussi numérisés et consultables en ligne, apporteront d’autres précisions mais uniquement sur la captivité.
Enfin il ne faut pas oublier les dossiers de demande en vue de l’obtention de la carte du combattant. L’ancien soldat a effectué les démarches dans les années 1930 et vous pourriez le retrouver dans les versements faits par les directions départementales de l’Office national des anciens combattants aux Archives départementales (c’est le cas dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin). Une chance de découvrir un état des services plus détaillé.
Gaerwer
12 février 2019
Bonjour
Dans les registres de décès, il est indiqué l’unité dans laquelle les soldats ont combattu, la date et lieu de décès. le dépouillement des registres de décès de Strasbourg indique qu’il y avait 3.5 fois plus de Strasbourgeois sur le front Ouest que sur le front russe.