volpilliere rené et volpilliere louis mes grands oncles décédés en1915 ou1916
Ceci est un guest post écrit par Jérôme Malhache, généalogiste professionnel installé en région parisienne. Il partage son expérience des archives à travers des articles et des cours dans lesquels il analyse sources et méthodes de recherche. Ses précédents billets portaient sur la fiche matricule et les JMO.
Travailler sur la biographie d’un combattant de la Première Guerre mondiale ce n’est pas seulement tenter de reconstituer son parcours grâce à la fiche matricule et aux journaux des marches et opérations. C’est parfois rechercher un lieu d’inhumation, un acte de décès ou la transcription d’un jugement déclaratif de décès. Il s’agit à la fois de rendre hommage mais aussi de collecter un complément d’information.
Les transcriptions
Si la loi du 20 novembre 1919 a généralisé la transcription de l’acte de décès à la mairie du dernier domicile lorsque le décès est survenu hors de la commune ce n’est pas un hasard. Les généalogistes connaissent bien l’intérêt de cette mesure. Avant qu’elle ne soit appliquée à tous elle était déjà en vigueur pour les décès de militaires. L’hécatombe de la Grande guerre montre l’importance de ce dispositif. Sur la ligne de front des décès en masse ne pouvaient pas être enregistrés dans des mairies, qui d’ailleurs n’existaient plus, les villages eux-mêmes et la population civile ayant disparu. On les recherche donc au dernier domicile du Poilu. Notons que la mécanique opère dans les deux sens. Prenons l’exemple du décès d’un soldat blessé, hospitalisé à l’arrière, Jean Coppin. Tout se passe selon la procédure habituelle, l’acte est enregistré à la mairie du lieu du décès (ici Parthenay dans les Deux-Sèvres). Puis il est transcrit au lieu du dernier domicile (à Saint-Hilaire-en-Morvan, Nièvre).
La localisation de ce domicile, s’il était inconnu, peut faire rebondir une recherche généalogique. Mais inversement si le domicile était l’information de départ, l’acte transcrit nous mettrait sur la piste de Parthenay. On objectera que ces données brutes figurent sur la fiche du soldat dans la base des Morts pour la France (sur le site Mémoires des Hommes). Alors à quoi bon rechercher les actes ? Parce que l’acte intégral peut parfois contenir un supplément d’information. Prenons le cas de Georges Braconnier mort pour la France le 29 juillet 1915 à Schratzmaennele (sur le territoire de la commune d’Orbey en Alsace). Sur Mémoire des Hommes la fiche signale qu’il a été « tué à l’ennemi ». Elle indique aussi que l’acte de décès a été transcrit le 30 juin 1916 à la mairie du 12e arrondissement de Paris. Vérification faite, cette « expédition d’un acte de décès transmise par le Ministère de la Guerre » précise que le soldat du 15e bataillon de chasseurs, 2e compagnie (l’indication de la compagnie ne figure pas dans la fiche, elle est utile pour exploiter un JMO) « a été tué par une bombe allemande ». La précision n’a rien d’anodin.
Le surplus d’information est encore plus évident avec les jugements déclaratifs de décès.
La fiche « Mort pour la France » de Gabriel Clément Etienne Ménard indique qu’il a été tué sur le champ de bataille de la Vaux-Marie le 15 septembre 1914. Le décès a été authentifié par un jugement rendu par le tribunal de Rambouillet le 30 janvier 1917, transcrit dans les registres de la commune du dernier domicile du soldat (Hermeray) le 12 février suivant. Le premier réflexe est de consulter la transcription dans l’état civil. Mais on a tout intérêt à se reporter au jugement lui-même, en série U des archives départementales, les minutes étant parfois complétées par des pièces justificatives (dans notre exemple, AD des Yvelines, cote 3U/RAM/467). La minute du jugement en question rapporte le témoignage du gestionnaire du groupe de brancardiers de la 54e division de réserve. Le 16 septembre 1914, en présence de deux soldats du groupe de brancardiers et grâce à la plaque d’identité, il a reconnu le corps de Gabriel Ménard disparu au cours d’une violente attaque allemande sur le champ de bataille de la Vaux-Marie le 7 septembre précédent. Le tribunal fixe donc le décès à cette date sur la commune de Courcelles-sur-Aire. Et nous, généalogistes, nous faisons le constat de l’erreur de date figurant sur la fiche « Mort pour la France ». Or ce décalage d’une semaine, s’il n’avait pas été vérifié, aurait tout changé à la biographie du Poilu en méconnaissant le contexte de sa mort.
Les inhumations
La recherche peut se concentrer aussi sur la localisation d’une tombe ou d’un lieu d’inhumation, à commencer par ce que l’on nomme une sépulture de guerre. Les sépultures de guerre sont perpétuelles et entretenues aux frais de l’État. Elles se trouvent dans des nécropoles nationales ou constituent des carrés militaires dans les cimetières communaux. S’agissant de la Première Guerre mondiale seuls les militaires français ou alliés « Morts pour la France » peuvent bénéficier de ce régime. Une base de données riche de 660.000 noms est accessible sur le site Mémoires des Hommes. Cette base ne représente pas la totalité des fiches dressées à l’issue de la guerre. En cas de doute on peut se renseigner auprès du service dépendant de l’Office national des Anciens Combattants et Victimes de guerre qui en a la gestion, le Pôle des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, à Metz. Nous retrouvons ainsi la trace de notre soldat Jean Coppin du 69e RI, mort des suites de ses blessures à l’hôpital mixte de Parthenay. La fiche nous apprend qu’il a été inhumé dans le carré militaire du cimetière communal dans une tombe individuelle numérotée 8.
Cela nous indique que la famille n’a pas réclamé le corps dont une loi de 1920 permettait la restitution gratuite. Environ 300.000 morts sont ainsi retournés dans des tombes familiales (tandis que 700.000 à 800.000 restaient dans des sépultures de guerre). Aujourd’hui, du fait de l’extinction des familles, de nombreuses tombes de Morts pour la France, sépultures privées tombées en déshérence, menacent de disparaitre. Le Souvenir français, qui vient de nouer un partenariat avec la Fédération française de Généalogie, s’efforce de sauvegarder ces tombes.
Les monuments et les autres sources
Pour les initiatives locales de commémoration de la Grande guerre, le monument aux morts de la commune constitue souvent un point de départ logique. C’est alors qu’on se rend compte de certaines anomalies. Des manques ou au contraire des doublons avec une commune voisine. Par ailleurs les unités sont rarement mentionnées sur les monuments. Jamais les date et lieu de naissance. Et même si de nombreux outils, à commencer par les fiches matricules, sont aujourd’hui facilement accessibles, il peut être utile de comparer ces listes gravées à d’autres dressées aussi par communes. Ces autres listes sont celles des livres d’or des soldats morts pour la France rédigés à partir de 1929. On y trouve les informations complémentaires qui ne figurent pas sur le monument aux morts. Bien entendu, logiquement, ces informations devraient être conformes à celles figurant sur la fiche « Mort pour la France ». Mais l’avantage est de pouvoir aborder la recherche par la commune et donc d’engager un travail sur tous les Poilus d’une localité. Ce travail est encore facilité par un nouvel outil mis en place par les Archives nationales. C’est en effet cette institution qui conserve les livres d’or et qui les a numérisés. Ils sont consultables en ligne dans la salle des inventaires virtuelle. Mais, plus simple encore, un accès cartographique est possible depuis le portail des Archives nationales (il suffit de taper « livre d’or » dans le champ « faire une recherche sur le site… »). Certaines communes manquent, mais en revanche l’Algérie, le Maroc et le Sénégal, entre autres territoires, sont représentés.
touchal
29 octobre 2016
Mon oncle décédé 1914 (1918)