Les dates clés à l’origine des archives militaires

Les dates clés à l’origine des archives militaires
Tony Neulat

Tony Neulat

Ceci est un guest post écrit par Tony Neulat. Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, il est rédacteur dans la Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides « Retrouver ses ancêtres à Malte » et « Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques », aux éditions Archives & Culture.

Il n’est pas toujours aisé de naviguer dans les archives militaires. Leur constitution a évolué au fil des siècles et des régimes qui se sont succédé depuis le XVIIIe siècle. Voici un aperçu des principaux textes officiels à l’origine des registres militaires essentiels.

1716 : création des registres de contrôle des troupes

Afin de lutter contre la désertion, Louis XV prescrit, par l’article 23 de l’ordonnance du 2 juillet 1716 (en ligne dans Gallica), la tenue de registres permettant d’identifier les soldats, caporaux et sergents de chaque compagnie. Ces registres sont particulièrement précieux puisqu’ils précisent les noms, prénoms, surnoms, lieux de naissance, signalements, dates d’enrôlement, de décès, de congés ou de désertions de millions de soldats. Ils sont conservés en sous-séries 1 Yc à 15 Yc au Service Historique de la Défense à Vincennes. 2460 registres de contrôles de troupes d’Ancien Régime (sur 2579) et 1191 registres de la période 1802-1815 sont en ligne sur le site Mémoire des hommes.

Article 23 de l’ordonnance du 2 juillet 1716 à l’origine des registres de contrôle des troupes. © Gallica.

Article 23 de l’ordonnance du 2 juillet 1716 à l’origine des registres de contrôle des troupes. © Gallica.

1798 : création des tableaux de conscription

La loi Jourdan-Delbrel du 19 Fructidor an VI (= 5 septembre 1798), votée au Conseil des Cinq-Cents, constitue l’acte fondateur du service militaire obligatoire et universel comme l’indique l’article 1 : « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ». Elle instaure la conscription militaire suivant l’article 15 : « La conscription militaire comprend tous les Français depuis l’âge de vingt accomplis jusqu’à celui de vingt-cinq ans révolus. ». L’article 24 est à l’origine des précieux tableaux de recensement communaux et cantonaux (répertoriant tous les garçons âgés de 20 ans résidant dans la commune et le canton), conservés dans la sous-série 1R aux archives départementales.

Le texte de cette loi est disponible dans le Bulletin des Lois, en ligne dans Gallica

Articles 24 à 27 de la loi Jourdan-Delbrel à l’origine de la conscription. © Gallica.

Articles 24 à 27 de la loi Jourdan-Delbrel à l’origine de la conscription. © Gallica.

1802 : création de la Légion d’honneur

Bonaparte, par la loi du 29 Floréal an X (= 19 mai 1802), institue la Légion d’honneur destinée à décorer les élites militaires : « Titre Premier. Création et organisation de la Légion d’honneur. Article Premier. En exécution de l’article 87 de la Constitution, concernant les récompenses militaires, et pour récompenser aussi les services et les vertus civiles, il sera formé une Légion d’honneur. »

« Titre II. Composition. Article Premier. Sont membres de la Légion tous les militaires qui ont reçu des armes d’honneur. Pourront y être nommés les militaires qui ont rendu des services majeurs à l’Etat dans la guerre de la liberté ; les citoyens qui, par leur savoir, leurs talens, leurs vertus, ont contribué à établir ou à défendre les principes de la République, ou fait aimer et respecter la justice ou l’administration publique. » Le texte de loi est disponible sur Google Livres (à la page 361).

Les dossiers individuels des membres de la Légion d’honneur, conservés aux Archives nationales, ont été numérisés et peuvent être consultés en ligne, au sein de la base Léonore. Par ailleurs, l’ensemble des dossiers des récipiendaires décédés avant 1977 ont été indexés au sein de cette base. Il est donc possible de mener une recherche par nom ou par lieu.

1804 : création des listes de tirage au sort

Le 8 nivôse an XIII (= 29 décembre 1804), Napoléon 1er instaure le tirage au sort par décret. Chaque conscrit prélève un billet numéroté dans une urne et ceux qui ont tiré les numéros les plus faibles font partie de l’armée active. Ainsi, environ un tiers des jeunes d’une classe d’âge rejoignait l’armée : il s’agissait de célibataires ou veufs sans enfant, qui n’étaient ni exemptés (pour cause de famille à charge par exemple) ni réformés (pour des raisons physiques ou infirmités). Le décret du 8 Fructidor an XIII (= 26 août 1805), en ligne dans Google Livres (p. 290) précise les modalités de la conscription et du tirage au sort aux articles 10 à 12. En particulier, est indiqué dans l’article 12 : « Le nom de chaque conscrit, ses prénoms, son domicile, sa profession, les noms et prénoms de ses père et mère, seront inscrits vis-à-vis du numéro [de tirage au sort] qu’il aura obtenu, sur une feuille à ce destinée, préparée à l’avance par les soins du sous-préfet, qui contiendra autant de cases qu’il y aura de conscrits ; et qui sera conforme au modèle n° II. ».

Ces listes de tirage au sort peuvent être consultées en sous-série 1R aux archives départementales.

1818 : création des 4 principaux registres de recrutement militaire

La loi Gouvion Saint-Cyr du 10 mars 1818 rétablit, par l’article 1er, la conscription, abolie en 1814, ainsi que l’appel par tirage au sort par l’article 7 : « Le contingent assigné à chaque canton sera fourni par un tirage au sort entre les jeunes Français qui auront leur domicile légal dans le canton, et qui auront atteint l’âge de vingt ans révolus dans le courant de l’année précédente. »

Cette loi prescrit, à l’échelle du canton, la tenue de 4 registres essentiels : 

  • le tableau de recensement cantonal (article 11)
  • la liste cantonale de tirage au sort (article 12)
  • les procès-verbaux des séances du conseil de révision (article 13)
  • la liste du contingent (article 17)

Cette loi est disponible dans Google Livres (p. 121)

Articles 11 et 12 de la loi Gouvion Saint-Cyr détaillant la tenue des tableaux de recensement et des listes de tirage au sort. © Google Livres.

Articles 11 et 12 de la loi Gouvion Saint-Cyr détaillant la tenue des tableaux de recensement et des listes de tirage au sort. © Google Livres.

1852 : création de la médaille militaire

Napoléon III, par l’article 11 du décret du 22 janvier 1852 (en ligne dans Gallica), crée la médaille militaire, dite aussi « Médaille des braves » ou « Légion d’honneur du sous-officier ». Elle est destinée à récompenser les actes de bravoure des soldats et sous-officiers et se distingue ainsi de la Légion d’honneur qui devient l’apanage des officiers, sauf cas très exceptionnel. 

« 11. Il est créé une médaille militaire donnant droit à cent francs de rente viagère, en faveur des soldats et sous-officiers de l’armée de terre et de mer placés dans les conditions qui seront fixées par un règlement ultérieur. »

Les dossiers relatifs à l’obtention de la médaille militaire sont consultables en série R des archives départementales. Deux bases de données de médaillés militaires existent en ligne : Médaillés militaires et Filae.

1857 : création de la médaille de Sainte-Hélène

Napoléon III, par le décret du 12 août 1857, honore, 42 ans après la fin des derniers combats, les soldats qui ont combattu de 1792 à 1815 aux côtés de Napoléon 1er. 

« Art. 1er. Une médaille commémorative est donnée à tous les militaires français et étrangers des armées de terre et de mer qui ont combattu sous nos drapeaux de 1792 à 1815… »

Cette médaille récompense les 405 000 soldats encore vivants en 1857. La liste des récipiendaires, établie par les mairies de 1857 à 1858, et transmise aux Archives de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur, fut malheureusement détruite en 1871 lors des incendies de la Commune. Il convient donc de consulter les documents émis par les mairies et conservées aux archives départementales en série M ou R. Vous pouvez rechercher un membre de votre famille dans la base de données des médaillés de Ste-Hélène qui recense plus de 218 000 médaillés.

1905 : création du service militaire obligatoire pour tous

La loi Berteaux du 21 mars 1905 énonce le principe de l’égalité pour tous les citoyens mâles devant le service militaire. Les dispenses sont abolies et le tirage au sort est supprimé. Les listes du tirage au sort disparaissent donc. Cependant, les tableaux de recensement cantonal s’enrichissent.

1997 : fin du service militaire obligatoire

La loi 97-1019 du 8 novembre 1997 met un terme au service militaire obligatoire et universel : la conscription des jeunes gens nés après 1979 est suspendue. La suspension effective de l’appel sous les drapeaux a lieu le premier janvier 2003. L’armée devient une armée de métier, basée sur le volontariat.

Image couverture : Extrait d’un registre de contrôle des troupes. © SHD Vincennes.