Ceci est un guest post écrit par Tony Neulat. Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, il est rédacteur dans la Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides « Retrouver ses ancêtres à Malte » et « Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques », aux éditions Archives & Culture.
Tout un cortège de rites, de traditions et de codes accompagne le mariage aujourd’hui. Qu’en était-il autrefois ? Le mariage revêtait-il la même symbolique ?
Le mariage : une alliance sacrée mais terre-à-terre
L’Eglise, avec les conciles de Latran de 1215 et de Trente de 1563, définit le mariage comme un sacrement indissoluble, par lequel deux personnes se jurent, de leur propre volonté, fidélité, protection et obéissance. Le mariage est donc bien un engagement « pour la vie » passé librement par les deux époux.
A cette approche spirituelle s’oppose la pratique, plus matérielle, de nos aïeux. Nombre de mariages étaient arrangés, conclus entre les deux pères des futurs conjoints, à tel point que, parfois, les mariés se connaissaient à peine avant leur mariage. En témoignent les contrats de mariage, quasiment systématiques sous l’Ancien Régime et retenus quelques semaines avant la bénédiction nuptiale, auxquels les épouses ne sont parfois même pas présentes… La dimension financière y tient une place prépondérante. De fait, le mariage symbolisait bien plus l’alliance de deux familles, de deux fortunes, que l’union de deux époux. Ainsi, si le mariage est aujourd’hui en France la célébration de l’amour par excellence, il n’en était pas de même autrefois.
Quand nos aïeux épousaient leur voisin, cousin et semblable…
Caricatural ? Certes, mais pas tant que ça.
Le choix du conjoint était loin d’être aléatoire. En effet, la population étant très peu mobile, le futur était généralement choisi dans un rayon géographique restreint. J’ai constaté, au travers d’analyses statistiques dans le Lot, que, dans les trois quarts des cas, les époux résidaient à moins de 8 km l’un de l’autre et que dans près de la moitié des cas, ils étaient originaires de la même paroisse ! Par ailleurs, le mariage étant le fruit d’un accord entre deux pères de famille, les mariés étaient presque toujours issus du même milieu social et professionnel : un laboureur épousait une fille de laboureur, un artisan une fille d’artisan, un notaire ou clerc de notaire une fille de notaire. L’endogamie, géographique, sociale, professionnelle était ainsi omniprésente. Il n’est donc pas étonnant, au vu des critères de sélection du conjoint que la plupart des mariés soient apparentés jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle. Qui n’a pas observé ces phénomènes dans sa généalogie ?
C’est pourquoi l’Eglise a réglementé le mariage pour contrecarrer cette tendance et éviter les mariages consanguins : deux cousins issus d’issus de germains (et donc cousins au 4e degré canonique) ne pouvaient contracter mariage, sauf dispense.
Une union célébrée chez la mariée
La tradition voulait que le mariage soit célébré dans la paroisse ou commune d’origine, voire de résidence, de la mariée. Cette coutume était très souvent respectée (dans 6 à 9 cas sur 10) et est toujours de mise.
Non, on ne se mariait pas à 15-20 ans !
De même qu’on ne mourrait pas à 30 ans…
Le tableau ci-dessous présente les différents âges liés au mariage : l’âge minimal requis, l’âge moyen observé lors du premier mariage (primo-nuptialité) et l’âge en-dessous duquel le consentement des parents était requis pour se marier. La confrontation des deux dernières colonnes permet de confirmer que l’autorité paternelle s’exerçait dans la majorité des cas avant la Révolution.
L’âge relativement élevé des hommes lors de leur premier mariage s’explique aisément : ils n’étaient aptes à se marier que lorsqu’ils avaient amassé suffisamment d’économies et de biens pour entretenir une famille.
Nos aïeux se mariaient en début d’année et non en été
Peut-être avez-vous constaté, au cours de vos recherches dans les registres paroissiaux, que les actes de mariage figuraient pour la plupart en début d’année ? Là encore, le choix du mois et du jour du mariage était soumis à plusieurs règles.
D’une part, pour des raisons pragmatiques, on avait l’habitude de se marier en morte saison, principalement en janvier et février. D’autre part, pour des questions religieuses, il était interdit (sauf dispense) de convoler en noces pendant certaines périodes, appelées « temps clos », telles que le Carême (46 jours précédant Pâques : de février à avril selon les années), la Pentecôte, la Toussaint, l’Avent (mois de décembre).
D’où une saisonnalité très marquée dans la célébration des mariages, comme on peut le constater sur le graphique ci-dessous, avec des pics en janvier et février.
Si, actuellement, les mariages sont principalement célébrés le samedi, il n’en était pas de même autrefois. En France, on privilégiait le mardi ou le lundi, même si chaque région avait ses propres coutumes. Le vendredi était évité (jour de crucifixion du Christ) ainsi que le dimanche (jour de messe).
La dot et le trousseau de la mariée
La dot était une somme d’argent que les parents donnaient à leur fille lors de son mariage en guise d’héritage. Elle ne pouvait ensuite plus prétendre aux biens de ses parents, comme indiqué dans les contrats de mariage via la formulation courante : « pour tout droit de légitime et supplément d’icelle qui pourrait lui appartenir sur leurs biens ». Il va de soi que la dot était d’autant plus conséquente que la famille de la mariée était aisée. Une telle coutume accentuait l’aspect mercantile du mariage puisque certains cherchaient avant tout une belle dot plutôt qu’une belle épouse… Il faut savoir que cette tradition de l’Ancien Régime a été maintenue après la Révolution et n’a été abolie qu’en 1956 !
La mariée apportait, en sus de la dot, un trousseau, constitué de meubles, de vêtements, de nappes… pour que le jeune couple puisse « se monter en ménage ». Dans l’acte présenté ci-dessous, la mariée apporte ainsi « la somme de douze cens livres, ensemble une robe de burat noir, quatre brebis avec suite, quatre linseuls toile mistisse de deux branches, deux napes, six servietes et un coffre fermé a clef ».
Quant à la robe de la mariée…
Autrefois, la robe n’était pas nécessairement blanche ! Cette exigence ne s’est répandue que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle même si le blanc était depuis longtemps le symbole de la pureté pour l’Eglise. Auparavant, la couleur de la robe variait selon les régions. Il n’était pas rare de se marier en noir, ce qui paraîtrait impensable de nos jours…
Autant d’us et coutumes du temps de nos aïeux qui nous rappellent, s’il est besoin, le caractère très relatif et subjectif de nos traditions les plus profondément ancrées. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Cela s’applique également, à mon avis, aux voyages dans le temps !
Image couverture : Mariage à Reims en 1946, après la guerre, dans une ville dévastée. © Tony Neulat.