Les particularités des patronymes en pays de Savoie

Les particularités des patronymes en pays de Savoie

 

Les noms de famille, leur origine et leur évolution au fil des siècles, sont des sujets passionnants pour les généalogistes et MyHeritage a décidé de s’y intéresser de plus près. Aujourd’hui, nous donnons la parole à Mickaël Mange, généalogiste afin qu’il nous éclaire sur les particularités des patronymes en pays de Savoie, région qu’il connait bien vu qu’il en est originaire.

Comprendre les mécanismes qui ont fixé les patronymes portés aujourd’hui n’est pas toujours aisé. Je vous propose quelques pistes afin de découvrir l’histoire des noms portés en pays de Savoie et faciliter vos recherches familiales dans cette région.

Le premier recensement nominatif complet du duché de Savoie

Il est difficile de donner une date précise pour l’apparition d’un patronyme, les mécanismes étant variables suivant les régions. Pour la généalogie en Savoie plus particulièrement, un dénombrement de la population réalisé à partir de 1561 constitue une mine d’informations très importante : il s’agit de la gabelle du sel. Lorsque le duc Emmanuel-Philibert retrouve ses États, après des années d’occupation française, il instaure un impôt sur cette denrée vitale. Le sel est alors indispensable puisqu’il est le seul moyen de conserver les aliments. Pour s’assurer de l’acquittement de cet impôt par chaque famille, celles-ci sont toutes recensées en 1561-1562. Les dénombrements établis à cette occasion, dans chaque paroisse, indiqueront pour chaque famille (ou « feu ») : le nom, le prénom et l’éventuel surnom de son chef (parfois sa profession), le prénom de sa femme (bien plus rarement son nom), les prénoms de leurs enfants, puis le nom et le prénom des gendres, belles-filles, ou des autres personnes à charge vivant sous le même toit. Bien que leur lecture ne soit pas des plus simples, ces documents seront une aide précieuse pour la généalogie et pour comprendre l’apparition ou l’évolution des patronymes dans les villages.

Extraits du dénombrement pour la gabelle du sel. Province de Faucigny : paroisse de La Giettaz (1561). Les familles Giguet alias Jiguet sont déjà nombreuses : Giguet, Giguet-Heritier, Giguet-Jalliet. Source : Archives départementales de la Savoie – Fonds de la chambre des comptes : archives camérales (SA 2009).

Les principales caractéristiques des noms en pays de Savoie

Les noms composés sont une particularité importante à connaître pour les patronymes savoyards. Afin de différencier les diverses branches d’une famille au sein d’une même communauté, l’ajout d’un deuxième nom devenait souvent indispensable. En Savoie, dans des vallées quasiment coupées les unes des autres, plusieurs familles portant le même nom se rencontraient dans un village. C’est donc pour les différencier que l’ajout d’un second nom s’est avéré nécessaire. Il arrive également de trouver des noms composés de trois parties. La tâche reste difficile pour les généalogistes puisque les homonymes sont malgré tout nombreux. L’usage de porter le prénom d’un père, d’un grand-père ou d’un oncle dans une même famille peut rendre les reconstitutions familiales compliquées. Aux patronymes viendront donc s’ajouter des surnoms, des sobriquets ou des toponymes. D’autre part, les patronymes ont évolués avec le temps, ne serait-ce que par les dérivés d’un même nom : par exemple Rey (Reydellet) ou Vial (Viallet).

Généalogie de Marie Porret, née à La Giettaz le 10 juin 1859 (Zoomez pour agrandir).
Son ascendance est principalement composée des patronymes Porret et Giguet (avec ses formes composées). Source : Recherches personnelles. Archives départementales de la Savoie : registres paroissiaux et état-civil de La Giettaz.

Mais la caractéristique la plus connue pour les patronymes de Savoie est leur terminaison en -az. Le généalogiste peut parfois être étonné du grand nombre de patronymes et toponymes savoyards se terminant par -az, -oz, -uz ou encore -ix et -ex. Cette particularité vient de l’arpitan (ou franco-provençal) parlé en pays de Savoie et aux alentours : vallée d’Aoste, Piémont, Lyonnais, Bugey et même en Dauphiné. Ce patois possède des bases latines et germaniques. Il en va de même pour les nombreux noms de lieux portant cette terminaison. Et ce n’est pas un hasard puisqu’une grande partie des patronymes savoyards se terminant en -az sont aussi des toponymes. Chappaz désignera par exemple une grange, Servaz une forêt, Combaz une vallée. Malgré l’usage parfois entendu, le z final ne devrait pas se prononcer : cette terminaison indiquait en fait que la prononciation devait porter sur l’avant-dernière syllabe du nom (La Clusaz se prononce « La Cluza »). Pour les noms terminant en -ix ou -ex, l’accent tonique est placé sur la dernière syllabe du mot (Chamonix se prononce « Chamoni »).

Aux origines des patronymes

Quant aux origines des patronymes savoyards, comme pour beaucoup de régions françaises, il s’agira parfois de prénoms d’origine chrétienne/biblique (Dimanche : Domenjoud ou Dominjoud, Pierre : Perrotin) ou d’origine germanique. L’autre référence importante sera les toponymes (noms désignant les lieux) ou les gentilés (le nom qui désigne les habitants d’un lieu) : par exemple « Brun La Combettaz » désignera un membre de la famille Brun vivant près d’une petite combe/vallée. Les caractéristiques topographiques étaient souvent utilisées pour nommer les personnes : Pertuiset (de « pertuis », désignant un passage ou une cavité), Perrillat ou Perrilliat (lieu couvert de pierres, répandu en Chablais), Ruat ou Ruaz (de « rua » soit le chemin, la rue ou la voie romaine), et Ducret (un sommet montagneux). Enfin, les caractéristiques physiques et/ou morales pourront également expliquer certains patronymes : Brun, Blanc, Charvet (pour chauve), Gentil, Doucet (pour doux), Rioton ou Riotton (pour bagarreur).

Qu’ils soient simples ou composés, les patronymes ont une origine qui donnera souvent des détails sur la vie de cet ancêtre (parfois lointain) qui a transmis son nom à votre lignée. Découvrir cette particularité ne peut être qu’enrichissante pour les généalogistes. Afin de suivre la piste de vos aïeux à travers l’état civil et les registres paroissiaux ne vous fiez pas à une orthographe fixe. Par exemple « Ailloud » sera écrit de diverses manières : Allioud, Aliau, Alliod, Aillod. Pour le nom « Philippe » les variantes sont également nombreuses : Philippoz, Philippaz, Philipe ou Philippes. N’oubliez pas que pendant longtemps les curés ou les notaires écrivaient les noms tels qu’ils les entendaient. Les registres notariaux et le tabellion des Archives départementales de la Savoie & de la Haute-Savoie sont d’ailleurs en grande partie numérisés et vous apporteront une aide non négligeable en cas d’acte de mariage non filiatif, ou encore pour connaître de manière plus détaillée la vie de vos ancêtres. Pour terminer, après vos recherches dans les sources principales, je vous invite à consulter les dénombrements issus de l’impôt sur le sel qui sont également numérisés. Vous découvrirez ainsi si votre patronyme était déjà présent dans le village de vos ancêtres, son orthographe et ses variantes dans la seconde moitié du XVIe siècle.