Parenté génétique et parenté officielle : comment réconcilier ces deux notions ?

Parenté génétique et parenté officielle : comment réconcilier ces deux notions ?
Tony Neulat

Tony Neulat

Ceci est un guest post écrit par Tony Neulat. Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, il est rédacteur dans la Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur du guide Retrouver ses ancêtres à Malte, publié en 2016 aux éditions Archives & Culture.

Les deux facettes de la parenté : proximité et proportionnalité

La parenté est la clef de voûte de la généalogie puisque toute quête de ses origines vise à établir les liens de parenté entre différents individus. Toutefois, cette notion, familière au premier abord, n’est pas si évidente à appréhender… De même qu’un cylindre peut prendre tantôt l’aspect d’un cercle, tantôt l’aspect d’un rectangle suivant le point de vue adopté, la parenté peut être définie de deux manières distinctes et a priori inconciliables selon l’approche retenue : 

  • La première approche, traditionnelle, se focalise sur la proximité de la parenté via un terme précis ou un degré de parenté, qui permet de définir le chemin (lien) qui sépare deux « cousins ».
  • La seconde approche (que j’ai publiée en 2010) s’intéresse à la proportionnalité de la parenté, afin d’apprécier le pourcentage d’ancêtres, et donc de « sang », en commun. Cette approche alternative prend pleinement son sens depuis l’essor de la généalogie génétique et l’engouement pour les tests ADN.

Rentrons dans le détail.

Les degrés de parenté officiels

Il existe, en France, deux méthodes officielles, pour qualifier la proximité d’une parenté (cf. schéma) :

  • Le droit civil : cette méthode, utilisée par l’Etat, consiste à compter le nombre de générations qui séparent les deux individus, en « montant » depuis la première personne vers l’ancêtre commun et en « redescendant » de l’ancêtre commun vers la deuxième personne. Cette définition de la parenté est symétrique puisque Joseph est, dans l’exemple proposé, parent au 5ème degré avec Marie et réciproquement.
  • Le droit canon :  ce mode de calcul consiste à compter le nombre de générations, de part et d’autre, qui séparent chaque individu de l’ancêtre commun. D’après le même exemple, Joseph descend à la 3ème génération d’Antoine et Jeanne, ancêtres dont descend Marie à la 2ème génération. On dit alors que Joseph est parent du 3ème au 2ème degré avec Marie et inversement Marie est parente du 2ème au 3ème degré avec Joseph. Cette définition de la parenté est asymétrique et plus précise que la précédente. Elle est à connaître absolument car les actes de mariage religieux y font référence lorsque les conjoints sont apparentés, cas relativement fréquent.
Comparaison des deux méthodes de parenté : droits civil et canon. © T. Neulat.

Comparaison des deux méthodes de parenté : droits civil et canon. © T. Neulat.

Les liens de parenté MyHeritage

MyHeritage utilise une terminologie spécifique, héritée du modèle anglo-saxon, pour définir les liens de parenté. Elle se rapproche des degrés de parentés civils car elle est symétrique. Il est important de l’apprivoiser car ce sont ces degrés de parenté qui sont associés à vos correspondances ADN au niveau du champ « relation estimée ». Le principe est le suivant : 

  1. On compte le nombre de générations qui séparent chaque individu de l’ancêtre commun.
  2. Des deux nombres obtenus, c’est le plus petit qui sert de référence et définit le début du lien de parenté. S’il vaut 2, on parlera de « cousins germains » ; s’il vaut 3, de « cousins issus de germains » ; s’il vaut 4, de « petits cousins » ; s’il vaut 5, « d’arrières-petits-cousins » ; etc.
  3. Le décalage de générations entre les deux individus permet de définir la fin du lien de parenté. S’il vaut 0, on n’ajoute rien au lien de parenté défini précédemment ; s’il vaut 1, on ajoute « éloigné au 1er degré » ; s’il vaut 2, on ajoute « éloigné au 2ème degré ; etc.

Dans l’exemple précédent, Joseph et Marie sont ainsi cousins germains éloignés au 1er degré.

Cela reste confus ? Ne vous inquiétez pas ! 

Le schéma ci-dessous récapitule ces divers liens de parenté. En outre, pour chacune de vos correspondances ADN, vous pouvez visualiser la « relation estimée » sur un schéma équivalent en cliquant sur la bulle d’aide (point d’interrogation gris).

Les liens de parenté MyHeritage.

Les liens de parenté MyHeritage.

La parenté génétique, une affaire de proportion

Les méthodes précédentes, focalisées sur la proximité de la parenté, comportent des limites. En effet, lorsque deux individus ont des origines dans un même secteur géographique, il est très fréquent qu’ils soient apparentés, et ce, par plusieurs branches différentes. Or, l’existence de ces différentes branches communes « renforcent » la parenté car le pourcentage d’ancêtres partagés est supérieur. La notion de proportion joue donc un rôle important dans la définition de la parenté, qu’il s’agisse d’une proportion d’ancêtres, ou de gènes, en commun.

Or, en généalogie génétique, c’est justement sous la forme d’un pourcentage que la parenté est exprimée. Pour chacune de vos correspondances ADN, le taux d’« ADN partagé » est indiqué. Plus il est élevé, plus la parenté est proche. Intéressant mais… en tant que généalogiste, c’est le lien de parenté précis qui m’intéresse ! Comment le déterminer ?

Comment associer proportion et lien de parenté ?

Ainsi, comment réconcilier parenté génétique, exprimée sous forme de pourcentage, et parenté officielle, exprimée sous forme de degré de parenté ? Grâce aux probabilités de transmission des gènes à chaque génération. En effet, un enfant, hérite, en moyenne, de 50% du génome de ses parents, lesquels ont eux-mêmes hérité de 50 % des gènes de leurs parents, si bien qu’une personne ne partage que 25 % de ses gènes avec ses grands-parents, 12,5 % avec ses arrière-grands-parents, et ainsi de suite, c’est-à-dire deux fois moins à chaque génération. 

Corollaire : deux frères partagent en moyenne 50% de leurs gènes, deux cousins germains 12,5% de leurs gènes, deux cousins issus de germains 3,13%, etc. puisqu’à chaque génération, la part du génome partagée est divisée par deux, et ce, de chaque côté (i.e. du côté de chaque cousin).

Conclusion : à chaque degré de parenté peut être associé un pourcentage (moyen) de parenté, comme l’indique le schéma ci-dessous. A savoir : ces pourcentages sont valables lorsque les deux individus partagent un couple en commun. Dans le cas de « demi-parenté » (demi-frères, cousins germains issus d’un seul grand-parent commun, etc.), il faut diviser les pourcentages précédents par 2.

Pourcentage d’ADN partagé en fonction du lien de parenté. © Tony Neulat.

Pourcentage d’ADN partagé en fonction du lien de parenté. © Tony Neulat.

Ce schéma peut être résumé en une ligne par la formule mathématique suivante :

Toutefois, la donnée connue, à l’issue d’un test ADN, étant le pourcentage d’ADN partagé, il nous faut inverser la formule afin de déterminer le lien de parenté :

Ainsi, voici réunies, par la magie des mathématiques, les deux facettes de la parenté !

Ce sont notamment ces formules qui sont utilisées par MyHeritage pour prédire le degré de parenté entre deux correspondances ADN. Néanmoins, un degré de parenté civil n’étant pas univoque, plusieurs liens de parenté potentiels vous seront systématiquement proposés. L’écart d’âge entre les deux correspondances génétiques permettra d’exclure certaines de ces propositions.

Source image couverture : Degrés de parenté canoniques tirés d’une dispense de consanguinité. Evêché de Sens. © Sophie Boudarel.