Portrait fidèle à l’original : passionnée, passionnante et entrainante !
Entretien avec Sophie Boudarel, généalogiste blogueuse
- De Elisabeth
Dans le cadre de notre rubrique consacrée aux entretiens avec les acteurs du monde de la généalogie, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui Sophie Boudarel, généalogiste blogueuse et restauratrice de photos anciennes. Sophie dévoile pour nous un pan de son histoire familiale, décrit sa passion pour la généalogie et tout ce qui s’y rapporte, et son activité de généalogiste aux multiples facettes. Un portrait fascinant.
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
J’habite en Bourgogne mais je suis née à Rambouillet, dans les Yvelines.
Mes racines se situent en Bretagne, Ille-et-Vilaine du côté de ma mère. Du côté de mon père c’est beaucoup plus varié. Une partie se situe dans l’Ouest (Lot-et-Garonne, Dordogne, Loire-Atlantique, …) et l’autre partie à l’Est (Vosges et Meurthe-et-Moselle).
Passionnée de généalogie, je suis une touche à tout : histoire (des hommes, du patrimoine, …), généalogie, technologie, …. Tout ce qui a un rapport de près ou de loin m’intéresse.
Ce qui m’a amenée à faire de la veille. En plus du blog, je partage les sujets qui m’intéressent et que je pense pertinent pour nos recherches.
Quelle est votre activité actuelle ?
J’ai quitté mon emploi il y a 1 an et demi pour monter ma petite entreprise. La Gazette des ancêtre c’est aussi maintenant une occupation professionnelle axée sur le conseil pour les recherches (organisation, méthodologie) mais aussi sur la restauration des photographies anciennes; auxquelles viennent s’ajouter les activités plus « classiques » comme les recherches.
Comment est né votre intérêt pour la généalogie ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par les vieux papiers et les vieilles photos. Je me demandais qui étaient les gens présents, comment avaient-ils vécus.
Je n’ai pas connu mes grands-pères. Mon grand-père paternel a toujours été entouré d’une aura de mystère pour moi. Mon père avait 6 ans lorsqu’on son père a été tué pendant la guerre. Il savait peu de choses sur lui et en parlait peu. Je savais seulement que mon grand-père avait été abandonné par son propre père alors qu’il n’avait que 6 ans.
En rangeant des papiers chez ma grand-mère, mon père a trouvé le livret de famille de mes arrière-grands-parents, les parents de mon grand-père abandonné.
Comment un enfant abandonné pouvait être en possession du livret de famille de ses parents ?
Tout a commencé à ce moment-là.
Quel est l’origine de votre nom de famille?
Mon nom de jeune fille, SIMARD, est d’origine germanique : Sigmar (sig = victoire et mar =célèbre), mais le patronyme est le plus courant dans le Lot-et-Garonne où j’y trouve des ancêtres, à Penne d’Agenais.
Quelle est la chose la plus intéressante que vous avez découverte sur votre famille?
Je ne peux pas faire de choix. C’est un ensemble de découvertes. Parmi les plus marquantes ou anecdotiques, j’aime avoir une lignée de luthiers, tous originaires de Mirecourt, capitale de la lutherie.
Il y a aussi le fait qu’un membre de ma famille paternelle était persuadé qu’il y avait du sang noble dans la lignée. Mes recherches ont démontré que c’était plutôt le contraire… Le côté noble est venu de ma branche maternelle alors que nous pensions descendre d’une longue lignée de paysans bretons !
La découverte la plus intéressante est celle que je n’ai pas encore faite. C’est tout l’intérêt de la généalogie : se laisser surprendre.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre blog ?
Je suis quelqu’un qui a toujours mille pensées en tête, j’ai besoin d’écrire pour me libérer de ce poids ! Au début, le blog était pour m’aider à organiser mes pensées, mes recherches.
Petit à petit, je suis venue à partager mes pistes de recherche, mes réflexions. Chacun a une approche propre de la généalogie. Partager ses méthodes, ses idées, ses coups de gueule aussi, est salutaire. Je suis heureuse lorsqu’un généalogiste laisse un commentaire me disant qu’en suivant mon conseil il a trouvé une nouvelle piste, je le suis également, quand un échange s’instaure. C’est ce qui s’est passé sur le dernier dossier publié, ‘Organiser ses dossiers généalogiques’, et ce fut incroyablement riche.
C’est le message que je souhaite faire passer : nous avons tous à apprendre les uns des autres, et le blog est mon vecteur.
Un conseil pour les généalogistes débutants ?
Un conseil mais qui en cache trois : Gardez votre âme d’enfant !
– Questionnez tout ce que vous rencontrez : personnes, actes, photographies, … Pourquoi habitait-il ici alors que toute sa famille était là ? Pourquoi n’est-elle pas sur la photo de famille ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
– Osez dire « je n’y arrive pas, est-ce que quelqu’un peut m’aider ? »
– Émerveillez-vous de vos découvertes, n’en prenez pas ombrage si elles ne vous conviennent pas.
Quel est selon vous l’avenir de la généalogie?
Alors que la généalogie se fait de plus en plus technologique, il y a un réel besoin de retour aux sources. Pour cela les Archives départementales et communales font un travail remarquable. Il leur faut maintenant donner l’envie aux chercheurs d’aller en salle. Une recherche ne se fait pas que sur Internet.
Je vois la généalogie devenir de plus en plus collaborative à deux niveaux. D’un côté se développent les expériences collaboratives d’indexations, de l’autre les réseaux sociaux et les blogs permettent de sortir le généalogiste de son isolement : des réflexions communes se mettent en place, des articles s’écrivent à quatre mains.
Une généalogie nouvelle arrive.
Que pensez-vous de la délibération de la CNIL du 27 avril dernier ?
Je suis perplexe quant à cette délibération. Encore une fois, je regrette que certains se réveillent « après coup ». Des lois existent déjà, pourquoi réinventer l’eau chaude ?
Cette délibération a des implications qui vont au-delà de nos recherches généalogiques. Que va-t-il advenir des projets pour la commémoration de la guerre 14-18, du site du Mémorial de la Shoah ? Je vais être directe mais c’est à se demander si ceux qui sont à l’origine de cette délibération avaient une connaissance parfaite du sujet et de ses répercutions.
Comme je l’ai écrit plus haut, un formidable travail de mise en valeur de notre patrimoine documentaire a été fait par les Archives départementales. J’espère que le SIAF (Service Interministériel des Archives de France), qui prépare une directive suite à cette délibération, saura faire preuve de plus de réflexion que la CNIL et ne pas tout remettre en cause.
Les généalogistes ont été sur le terrain pour la mise en ligne des données, l’accès gratuit à celles-ci, j’espère que nous pourrons aussi peser dans la balance pour faire entendre raison à la CNIL s’il le faut.
Un immense merci à Sophie, pour nous avoir accordé cet entretien très stimulant et propice à la réflexion. Et reprenons une phrase qui résume bien à notre avis la passion pour la généalogie: ‘La découverte la plus intéressante est celle que je n’ai pas encore faite. C’est tout l’intérêt de la généalogie : se laisser surprendre’.
Pellen Catherine
14 mai 2012
Voilà un beau portrait du généalogiste qui en plus des vieux papiers, s’adapte aux moyens d’aujourd’hui et les partage. Merci Sophie et au plaisir de te lire.