J’ai deux documents (famille Becle) à vous transmettre
Comment faire?
Entretien avec Clément Bècle, étudiant en médecine et généalogiste blogueur
- De Elisabeth
Dans le cadre de notre rubrique consacrée aux acteurs du monde de la généalogie, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui Clément Bècle, étudiant en médecine mais également généalogiste blogueur qu’il n’est presque plus besoin de présenter. Voici le portrait d’une nouvelle génération de généalogistes qui n’a pas encore 30 ans (et même pas 25 !). Clément en est le représentant dans toute son excellence. Qui a dit qu’il faut attendre la retraite pour se mettre à la généalogie ?
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Clément, et je suis étudiant en 6è année de médecine à Grenoble. J’étudie aussi la biologie à l’université, en Master.
D’un point de vue familial, je suis né et j’ai été élevé en Savoie, mais je suis issu d’une famille Provençale. Mes parents sont d’Avignon mais l’implantation de ma famille paternelle dans le Vaucluse est le résultat d’une lente migration : les Bècle sont issus du Jura puis sont descendus progressivement vers le sud en passant par Villefranche-sur-Saône, Lyon puis Frontignan et Avignon.
Quelle est votre activité actuelle ?
Je suis externe au CHU, ce qui signifie que je travaille le matin dans les services de médecine (actuellement en réanimation néonatale) et l’après-midi à l’Université pour les cours. Je prends aussi mes gardes de nuit aux urgences comme tout étudiant en médecine.
Comment est né votre intérêt pour la généalogie ?
Je ne sais pas bien. Je sais que j’ai vraiment commencé la généalogie à l’été 2007. J’avais du temps devant moi, et de nombreux proches à interroger. J’ai ainsi discuté avec mes parents, grands-parents et mon arrière-grand-mère. J’ai commencé mon arbre et, depuis, je n’ai jamais arrêté.
Avant cela, j’étais tout de même bien intéressé par mes ancêtres car je me rappelle des heures passées dans des greniers à chercher des documents ayant appartenu à tel membre de la famille, à connaître l’histoire de ceux partis à la guerre et qui ne sont jamais revenus. Ainsi, je crois que mon intérêt à l’histoire familiale est ancien et profond, mais que la pratique de la généalogie de façon scientifique date de 2007.
Quel est l’origine de votre nom de famille ?
Eh bien, ce n’est pas tranché pour le moment. Il existe plusieurs théories intéressantes. La première est une sorte de légende familiale pour laquelle je n’ai jamais pu trouver un argument valable. Bècle viendrait de Bescle, qui aurait désigné il y a bien longtemps et en patois jurassien « une treille » pour la vigne. Notons également que « Béclan » est le nom donné dans le Jura à un cépage noir.
La deuxième hypothèse qui m’a été rappelée il y a peu par un cousin, est la théorie de l’Abbé Joseph Bècle, mon grand-oncle. Il estimait que Bècle venait du latin baculum qui signifie « canne » ou « crosse » comme la crosse des évêques. C’est vrai que la prononciation est similaire, mais peut-être est-ce aussi issu de l’esprit fécond d’un ecclésiastique qui aurait aimé que notre nom se rapproche d’un attribut religieux.
Enfin, la troisième hypothèse est celle de Philippe-Louis Bourdonné qui, en 1862 dans un ouvrage appelé « Atlas étymologique et polyglotte des noms propres les plus répandus », soutient que « Bècle » (et ses diminutifs « Béclus » et « Béclard ») est issu des mots celtiques « Beck » ou « Bech » qui sont des congénères de « Bychan » qui signifie « Petit ».
Avec tout cela nous voilà bien avancé, et pour résumer de façon absurde, disons que Bècle est un petit évêque jurassien aimant le bon vin.
Quelle est la découverte la plus intéressante que vous avez faite sur votre famille ?
Je n’ai pas de découverte forcément plus intéressante qu’une autre. Mais un énorme émerveillement à vivre mes vacances dans une maison qui a depuis toujours été dans la famille, qui a vu se succéder un marchand de tapis puis ses fils : un médecin-maire-botaniste et un avocat-voyageur-écrivain puis leurs cousins dont l’aîné, étudiant en médecine, s’est suicidé dans des circonstances étonnantes. La suite ? Un jeune homme trichant sur son âge pour être enrôlé dans l’aviation en 1915 (il décèdera quelques mois plus tard au départ d’une observation) puis son frère, décédé en 2000 qui a déclaré à ma mère un jour où de nombreux enfants couraient dans le jardin : « c’est comme ça que je veux voir la maison, vivante. » La maison n’ayant jamais été vendue, chacun d’eux a laissé une trace, un objet, un tableau, un message gravé dans l’écorce d’un arbre, un livre, du matériel de chirurgie que je peux encore manipuler aujourd’hui. C’est aussi ça, la généalogie.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre blog ?
Mon blog de généalogie est le fruit d’une longue mutation informatique et personnelle. Disons qu’il est né en 2007, avec ma pratique de la généalogie. J’ai rapidement voulu organiser mes données de façon fonctionnelle avec un bon logiciel et voulu partager mes données avec un bon site internet. Ce premier site avait pour prétexte la généalogie. Je voulais manipuler du code, avoir un « beau site » mais il me fallait du contenu : la généalogie était parfaite pour remplir ce rôle. Cette première version du site se voulait une plateforme de publication de mes données généalogiques : arbre en ligne d’un côté, actes et documents en ligne de l’autre côté. Puis j’ai muté cela en plateforme de travail avec mes proches qui pouvaient rédiger des articles et un forum de discussion privé. Ensuite, il y a deux ans, j’ai décidé d’acheter un nom de domaine et de passer sous un format « blog » car c’était beaucoup plus simple à gérer.
Petit à petit, je me suis pris au jeu de la rédaction et genbecle est devenu un vrai blog généalogique personnel. Ce qu’il n’était pas en 2007. Bien entendu, le forum privé existe toujours, certains documents personnels sont toujours en ligne mais la ligne éditoriale a changé : mes nouveaux articles sont plus fournis, plus personnels sur des thématiques que j’aime particulièrement et qui ne sont plus forcément en lien direct avec la généalogie de ma famille : Généalogie et nouvelles technologies, Histoire locale et familiale.
Cette diversification des sujets traités, associé à l’utilisation d’outils comme Twitter permet de faire des rencontres et de discuter avec d’autres généalogistes blogueurs (dont vous) ce qui est très enrichissant. Je ne suis donc pas du tout déçu de l’orientation que j’ai donné à mon blog !
Un conseil pour les généalogistes débutants ?
Un débutant qui donnerait conseil à d’autres débutants, ce n’est pas banal. Ce que je dirais pour commencer : interrogez vos parents, grands-parents et apparentés. Prenez tout en note, vous vous en resservirez un jour ou l’autre. Allez sur francegenweb lire les tutoriaux pour les débutants puis allez faire un tour du côté des sites des archives en ligne, vous trouverez de belles choses. Inscrivez-vous sur MyHeritage and co. vous débloquerez certaines lignées mais vérifiez sur les archives en ligne. Ensuite, allez en salle de lecture, vous trouverez des passionnés qui vous aideront à trouver de véritables trésors et votre grande liste de noms et de dates prendra une forme humaine fabuleuse. Enfin, allez flâner sur Twitter, vous rencontrerez des gens de votre espèce avec qui vous partagerez votre passion.
Quel est selon vous l’avenir de la généalogie?
Je le vois plus simple dans la recherche de base et dans le partage, ce qui nous permettra d’aller plus vite au début et donc de nous concentrer sur la vie que nos ancêtres ont menée.
J’imagine que toutes les archives départementales vont déposer intégralement leurs documents BMS/NMD sur internet. Je suppose que ces données vont être intégralement indexées rapidement. Puis j’aimerais une uniformisation de ces sites internet et un super moteur de recherche national qui irait chercher dans toutes ces bases.
Une fois cette simplification à l’extrême de la grande base de données que sont l’Etat civil et les registres paroissiaux, la recherche sera très facile et l’arbre sera rapidement rempli. La majeure partie du travail du généalogiste ne sera plus de collectionner les noms et les dates mais de donner du relief à ses ancêtres en allant découvrir de nombreux autres documents aux archives départementales.
Simplicité dans la gestion de sa généalogie avec une amélioration du format informatique généalogique (gedcom) pour un meilleur partage et une meilleure synchronisation entre les différents écrans dont dispose le chercheur (ordinateur de bureau, tablette, smartphone) comme le laisse présager la dernière version des logiciels de généalogie.
Et que pensez-vous de la délibération de la CNIL du 27 avril dernier ?
Je ne suis pas vraiment compétent pour commenter cette délibération. Mais je peux dire ce que je veux : c’est que tout soit le plus simple possible pour les généalogistes. Les moyens de chercher, les moyens de partager, les moyens de stocker sa généalogie, et la législation qui encadre tout cela.
Pour ce dernier point, si on commence à se perdre avec des délais de diffusion différents selon des actes, selon le support utilisé, selon les mentions marginales, les indexations, on risque de ne rien comprendre. Et quand on ne comprend plus rien, on ne publie plus rien, c’est plus simple. Et cela, je ne le veux pas.
Un grand merci à Clément que nous espérons retrouver dans cette rubrique dans l’avenir pour nous raconter la suite de son aventure généalogique.
Betty JADAUD
27 juillet 2012
Une interview très intéressante avec une vision de la généalogie proche de la mienne. Bravo pour ce bel article.