Le mythe du soutien-gorge qu’on brule: L’acte d’extrémisme féministe qui n’a jamais eu lieu

Le mythe du soutien-gorge qu’on brule: L’acte d’extrémisme féministe qui n’a jamais eu lieu

Le mythe du soutien-gorge brûlant : L’acte d’extrémisme féministe qui n’a jamais eu lieu

Quand les militantes féministes ont-elles commencé à brûler des soutiens-gorge pour protester contre l’oppression des femmes ?

Si vous consultez les journaux historiques pour trouver une réponse à cette question, ils vous orienteront vers un événement précis : la manifestation du concours Miss America en 1968.

Il n’y a qu’un seul problème : des décennies de recherches et de discussions ont permis de conclure que pas un seul soutien-gorge n’avait été brûlé lors de cette manifestation.

Comment le soutien-gorge brûlé est-il devenu un symbole aussi connu de l’activisme féministe de la deuxième vague ? C’est l’exemple même d’un mythe véhiculé par les médias : une perception erronée amplifiée par une couverture médiatique répétée.

Notre équipe de recherche s’est plongée dans la collection de journaux historiques de MyHeritage pour explorer l’histoire qui se cache derrière le mythe. Voici ce qu’elle a découvert:

La protestation du concours Miss America en 1968

Le mythe du soutien-gorge en feu est apparu il y a 55 ans, en septembre 1968, à la suite d’une manifestation contre le concours Miss America.

Le concours Miss America était très populaire dans l’Amérique des années 1960. Cet article du Beaver County Times le décrit comme « la réponse américaine à un couronnement royal », regardé par des dizaines de millions de personnes à travers le pays.

Extrait du Beaver County Times, 7 septembre 1968 (Source : MyHeritage)

Lors de cet événement particulier de 1968, dans le cadre de l’une des premières actions très médiatisées du mouvement féministe naissant aux États-Unis, un groupe de manifestants s’est rassemblé à l’extérieur de la salle des congrès d’Atlantic City pour protester contre l’événement. Les manifestants affirmaient que le concours était sexiste et qu’il réduisait les femmes à l’état d’objet. L’article ci-dessous, publié dans The Star Pheonix le 5 septembre 1968, indique que ces manifestantes n’avaient « aucune organisation formelle », citant plutôt l’une des participantes qui a déclaré qu’elles faisaient partie d’un « mouvement clandestin de femmes en plein essor – un mouvement de libération des femmes ».

Extrait de The Star Phoenix, 5 septembre 1968 (Source : MyHeritage)

L’une des images les plus marquantes de la manifestation est celle de la « poubelle de la liberté » : un tonneau métallique dans lequel plusieurs femmes ont jeté des objets qu’elles considéraient comme des symboles de l’oppression des femmes. Parmi ces objets figuraient des chaussures à talons hauts, du maquillage, des faux cils, des tabliers, des corsets et, oui, un ou deux soutiens-gorge.

Cet acte symbolique visait à exprimer le rejet des normes oppressives de la beauté et de la féminité féminines qui, selon elles, étaient propagées par ces concours.

Mais voilà : si ces objets ont bien été jetés dans une poubelle dans le cadre de la manifestation, il n’existe aucune preuve fiable suggérant que l’un ou l’autre de ces objets, soutien-gorge compris, ait été incendié.

Et pourtant, dans les jours qui ont suivi, des articles réactionnaires ont commencé à mentionner l’incendie de soutiens-gorge. Voir par exemple cet article d’opinion d’Art Buchwald, paru dans le Portsmouth Times le 12 septembre 1968 sous le titre condescendant de « That’s Carrying Dissent Too Far, Girls » (C’est aller trop loin dans la dissidence, les filles) :


The Portsmouth Times – 12 septembre 1968

« La partie finale et la plus tragique de la manifestation a eu lieu lorsque plusieurs femmes ont publiquement brûlé leur soutien-gorge… C’est une chose de protester contre un système ou une institution, mais c’en est une autre de se faire justice soi-même et de brûler son soutien-gorge », écrit Art.
Confusion entre la « poubelle de la liberté » et l’incinération des cartes d’appel sous les drapeaux

D’où vient donc cette idée que les activistes brûlaient des soutiens-gorge ?

Il s’agit probablement d’un amalgame entre les événements de septembre 1968 et la pratique de l’autodafé, une tactique de protestation utilisée par les opposants à la guerre du Viêt Nam à peu près à la même époque. Les médias se sont emparés de cette idée, ce qui a donné lieu à l’expression persistante et quelque peu trompeuse de « brûleuses de soutien-gorge », associée aux féministes de l’époque.

Les protestataires manifestaient contre bien plus que l’existence du concours. Elles s’opposaient à tout ce qu’il représentait, y compris l’inégalité entre les sexes et la discrimination raciale. Une autre manifestation en faveur des droits civiques a eu lieu au même moment pour dénoncer le manque de diversité et de représentation des femmes de couleur dans ce concours.

Pour la première fois, un concours concurrent de Miss Black America s’est tenu à quelques rues de là.


Beaver County Times – 9 septembre 1968

Les manifestants ont également organisé leur propre contre-concours en couronnant une brebis « Miss America », suggérant que le vrai concours traitait les femmes comme du bétail dans une foire de comté.

La manifestation contre le concours de Miss America a été un événement marquant qui a attiré l’attention sur le mouvement de libération des femmes et a remis en question les normes culturelles concernant les critères de beauté et le traitement des femmes. Elle reste l’un des moments les plus mémorables de l’histoire du féminisme. Cependant, il s’avère que l’image du soutien-gorge en feu, souvent utilisée de manière péjorative pour dépeindre les militantes comme irrationnelles et pour se moquer et banaliser les préoccupations féministes, n’est pas ancrée dans la réalité historique.

C’est à se demander quelles autres idées ou images se sont imposées dans notre culture sans aucun fondement réel.

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