J’ai découvert que je suis né d’un amour interdit

J’ai découvert que je suis né d’un amour interdit

Jean-Christophe Jany, un habitant du Cantal âgé de 52 ans, a grandi sans savoir qui était son père biologique. Un kit ADN offert à Noël par sa compagne a bouleversé sa vie.

Jean-Christophe Jany et sa compagne Dominique

Jean-Christophe Jany et sa compagne Dominique

Je viens de découvrir d’où je viens. Je suis né d’un amour interdit, mais je le sais seulement depuis quelques mois. A la fin des années 60, ma mère a eu une histoire avec un jeune garçon marocain. Lorsqu’elle est tombée enceinte, sa famille était farouchement opposée à ce qu’elle garde l’enfant. C’est pourtant ce qu’elle a fait, mais les pressions familiales étaient telles qu’elle a pris trois mois de réflexion pour décider si elle me gardait avec elle ou si elle me confiait en adoption. Elle a décidé de me garder, mais j’ai d’abord passé les trois mois suivants chez sa sœur. Je pense qu’elle voulait me cacher.

Ensuite, entre l’âge de six mois et neuf ans, j’ai été élevé par une nourrice. Celle-ci avait cinq enfants. Pour moi, le petit dernier, ils étaient un peu comme mes frères et sœurs. Lorsque ma mère m’a récupéré pour vivre avec elle à Gennevilliers, cela a été très dur. La famille de ma nourrice, que j’appelle encore aujourd’hui tata, était devenue la mienne. Son mari m’avait élevé comme son fils, et de par l’éducation qu’il m’inculquait, il était devenu mon idole, ma référence. Ma mère s’était mariée lorsque j’avais sept ans, mais mon beau-père ne voulait pas de moi et bien que je porte son nom, il ne m’a jamais accepté. En quelque sorte, j’étais son souffre-douleur. Quant à ma mère, elle refusait de raconter mon histoire. Ça a dû être un drame pour elle. J’ai grandi en fils unique, et dans les années 90, je suis parti vivre dans le Cantal.

Un cadeau de Noël

A Noël 2020, Dominique, ma compagne, m’a offert le kit ADN de MyHeritage. J’ai fait le test aussitôt, j’ai envoyé les échantillons au laboratoire et j’ai attendu. Les résultats ont dévoilé une correspondance ADN à 2,3 % avec une certaine Majda dont la relation estimée était ‘cousine germaine éloignée au 2ème degré’. Je lui ai tout de suite écrit via la messagerie de MyHeritage en lui communiquant mon numéro de téléphone.

Hamed, le père de Jean-Christophe

Hamed, le père de Jean-Christophe

Une demi-heure après, Majda m’appelait. Elle avait d’abord appelé son père, qui connaissait l’histoire et avait confirmé ce que je lui avais écrit, le peu que je savais alors. J’avais vraiment fait le test avec l’espoir de découvrir la vérité mais je ne pensais pas que ça allait se passer si vite. J’ai eu de la chance.

Les retrouvailles

Deux jours plus tard, je suis monté à Paris pour rencontrer ma famille paternelle. Ils m’ont raconté tout ce qui s’était passé. On avait beaucoup à se dire. J’ai découvert que j’avais 4 demi-frères et sœurs en France, un au Maroc et une autre qui est décédée. En voyant des photos de mon père, je me suis vu au même âge.

Toute ma vie, j’ai pensé à ce moment. Le jour où j’allais connaître la vérité, retrouver cette partie de ma famille… Ma mère m’a toujours fait croire qu’il s’agissait d’une histoire d’un soir. Pourtant ils se sont fréquentés pendant plus d’un an, et mon père est venu me voir à la maternité. Ils ont essayé en vain de résister aux pressions de la famille de ma mère. Ça a été un choc de découvrir tout ça. Loin d’être une passade, c’était l’amour de sa vie.

Mon père, qui se prénommait Hamed, a vécu toute sa vie en région parisienne, avant de repartir vivre au Maroc à la retraite. Il est malheureusement décédé en 2007. Ma mère est toujours en vie, mais nos rapports ont toujours été compliqués. Elle persiste à refuser de parler, mais je sais maintenant qu’elle a dû beaucoup en souffrir.

La famille de mon père avait essayé de me retrouver, mais il n’avait que le nom de jeune fille de ma mère. Mes nouveaux oncles m’ont raconté que dans les années suivant ma naissance, avec mon père, ils étaient venus en mobylette jusqu’à Dhuisy (77), le village de ma mère, dans l’espoir de me retrouver. Personne n’avait parlé ; ma mère avait dû quitter le village. Être fille mère n’était pas bien vu à l’époque. Mon père m’a toujours cherché, mais sans le test ADN, j’en serais toujours au même point.

Maintenant j’ai envie de voir ma famille retrouvée le plus possible. Qu’ils viennent me voir au Cantal… On s’appelle toutes les semaines. J’ai encore beaucoup à apprendre sur mon père, et je veux aller au Maroc pour découvrir son pays et mes racines.