j’aime beaucoup cette histoire et un grand merci aux personnes qui poursuivent les recherches
A 82 ans, mon cousin a reçu le premier cadeau de son père, disparu pendant la Seconde Guerre mondiale
- De Elisabeth Zetland ·
Pierre Painblanc, utilisateur belge qui réside dans le sud-ouest de la France, peut l’affirmer sans hésitation : la généalogie est source d’inimaginables surprises. Le nom d’un oncle dans son arbre, disparu en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale, a permis au fils de ce dernier de recevoir un cadeau inestimable. Voici leur histoire.
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Lorsque Pierre découvre, dans la messagerie de MyHeritage, un message bilingue français/néerlandais, sa curiosité est aussitôt piquée. Ce n’est pas le courrier généalogique habituel entre deux utilisateurs qui enquêtent sur leurs liens de parenté. Le courrier que lit Pierre a une tout autre teneur. Son expéditeur, Ellen de Visser, journaliste néerlandaise, lui explique qu’elle cherche les descendants d’un résistant belge, arrêté et déporté par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans des archives des Pays-Bas se trouvait une enveloppe au nom d’un certain Alphonse De Jongh. L’enveloppe apportait également d’autres éléments : sa date de naissance, son numéro de camp, sa signature, mais surtout elle contenait un stylo-plume, qu’Ellen voulait restituer à la famille du défunt. Et c’est dans un arbre généalogique sur MyHeritage – l’arbre de Pierre – qu’Ellen venait de retrouver la trace d’Alphonse.
Pierre raconte : « Mon oncle est passé d’un camp à un autre et son nom a été plusieurs fois mal orthographié. Par ailleurs, sa nationalité belge a été mal recopiée et est devenue hollandaise, ce qui explique que les documents le concernant se trouvaient aux Pays-Bas, au lieu d’avoir été envoyés en Belgique après la guerre. »
Un stylo-plume conservé dans des archives pendant 80 ans
« Dès la fin de la guerre, ma tante avait fait des recherches pour retrouver son mari. En vain. Ellen a été la première à supposer que le nom avait été mal écrit, De Jongh était devenu De Jonck, puis De Jeugh. En cherchant sur MyHeritage, elle est tombée sur mon arbre. C’est extraordinaire ! »
Mon cousin est né deux mois avant l’arrestation de son père, en 1941. Je me suis dit que ça risquait de lui faire un choc, et quand je lui ai téléphoné, j’ai amené la chose en douceur. À 82 ans, il ne s’attendait évidemment pas à recevoir une telle nouvelle. Pour lui, il n ‘y avait aucun espoir de retrouver des traces de son père et tout à coup, une fenêtre s’ouvrait. Ensuite, j ‘ai donné le feu vert à Ellen pour qu’elle se rende à Bruxelles, où il vit. »
Ellen de Visser, rédactrice en chef de la section santé du journal néerlandais de Volkskrant, a commencé à faire des recherches à partir d’objets de la Seconde Guerre mondiale conservés dans les archives néerlandaises parce que son propre grand-père était résistant aux Pays-Bas. Arrêté en décembre 1944, il est mort dans le camp de Neuengamme.
« C’est de là qu’est née ma fascination pour la Seconde Guerre mondiale, explique Ellen, surtout quand j’ai vu combien de documents sur mon grand-père étaient conservés dans les archives. D’où cette initiative pour le projet Stolen Memory, concernant les biens confisqués par les nazis.
Mon grand-père a pu laisser son alliance à ma grand-mère juste avant de monter dans le train. Elle l’a toujours chérie et gardée à son doigt avec sa propre alliance. C’était la dernière chose qu’elle avait reçue de lui. Je peux donc très bien comprendre à quel point ces objets sont importants pour les familles.
J’ai démarré ce projet lorsque j’ai compris qu’il y avait encore des objets non restitués dans des archives allemandes. Après la guerre, de nombreux objets ont été retrouvés dans le camp de Neuengamme, en Allemagne. Les Britanniques avaient dressé une longue liste des biens qu’ils avaient trouvés. Une fois certains de la nationalité du prisonnier, ils ont renvoyé les affaires dans son pays. Ainsi, après la guerre, je pense que 2 000 à 3 000 objets et enveloppes ont été envoyés à la Croix-Rouge et au ministère des Affaires sociales néerlandais.
Les autorités néerlandaises ont ensuite essayé de retrouver des proches afin de restituer les objets. Les biens, pour lesquels aucune famille n’a été retrouvée, ont été conservés dans les archives néerlandaises.
Au début, nous avions donc près de 70 enveloppes réparties dans deux archives (les archives allemandes d’Arolsen et les archives néerlandaises). Parfois, les noms sur ces enveloppes sont à peine lisibles, mais heureusement, il y a aussi les dates de naissance. Je savais qu’il y avait des familles qui seraient très heureuses et émues de recevoir ces objets.
Je savais également que, 80 ans plus tard, ce serait très difficile. La plupart des prisonniers n’ont pas survécu à la guerre et beaucoup d’entre eux n’avaient pas d’enfants. Certains n’étant pas mariés, nous recherchons alors des neveux, des cousins…
Le nom d’un déporté retrouvé dans un arbre généalogique
Trois chercheurs bénévoles m’ont rejoint et nous avons commencé à chercher dans toutes les archives sur Internet. Lorsque je suis arrivée sur le site de MyHeritage, j’ai été sidérée par le nombre d’arbres généalogiques. MyHeritage nous aide beaucoup : si Pierre n’avait pas construit son arbre sur ce site, je n’aurais pas retrouvé le fils d’Alphonse.
J’ai envoyé un message à Pierre via la messagerie de MyHeritage, et il m’a répondu tout de suite. Cela a fonctionné à merveille. »
Edouard De Jongh avait 2 mois lorsque son père a été arrêté, en septembre 1941. Il avait été confié à sa grand-mère car ses parents redoutaient une visite de la Gestapo.
Il raconte : « Mon père a été arrêté chez lui, et ma mère a failli être arrêtée avec lui. Elle jouait du piano, et un officier de la Wehrmacht, voyant ses partitions, remarqua qu’elle jouait des compositeurs allemands. Il en a déduit qu’elle n’était pas anti-allemande et c’est comme ça que ma mère aurait évité l’arrestation : grâce à la musique !
Alphonse De Jongh avait intégré l’Armée secrète – mouvement armé de la Résistance intérieure belge – en août 1941. Marié avec Marthe Painblanc depuis l’automne précédent, le couple avait accueilli son premier enfant en juillet. Alphonse eut le temps de distribuer le journal clandestin La Libre Belgique et d’effectuer différents transports d’armes avant d’être arrêté par la Wehrmacht le 23 septembre 1941.
Transféré d’abord à la Prison de Saint-Gilles à Bruxelles, il a ensuite été déporté en Allemagne en tant que prisonnier politique Nacht und Nebel. Il passa dans les camps suivants : Brauweiler, Bochum, Hameln, Esterwegen, Lingen et Sachsenhausen.
‘C’est le premier cadeau que je reçois de mon père’
« Mon père était curieux de tout et avait la passion d’entreprendre. Il avait un sens aigu du patriotisme, ce qui l’a naturellement amené à devenir résistant, explique Edouard. Il a continué ses actes de résistance à l’intérieur des camps. De nombreux témoignages d’anciens compagnons d’infortune en attestent. Il avait le goût des autres cultures, et même de la culture germanique, au point d’écrire à ma mère, dans les rares courriers qui lui étaient permis, que leur fils apprenne néanmoins l’allemand plus tard. Il avait une grande aptitude pour les langues. Il a certainement dû se distinguer d’une manière ou d’une autre en comprenant l’allemand. Il était visionnaire et prévoyait l’évolution des pays, malgré le nazisme, vers une Europe plus large. »
Les circonstances de la disparition d’Alphonse De Jongh restent un mystère : ses traces se perdent en septembre 1944. Des années plus tard, à titre posthume, il fut cité à l’Ordre du Jour pour le motif suivant : « Volontaire de la Réserve Mobile, Troupe Grenadiers, depuis avril 1941. A toujours fait preuve de dévouement envers ses chefs. A effectué différents transports d’armes et a régulièrement assisté à toutes les réunions d’instruction d’armes. » La citation, signée par le Commandant de l’Armée secrète poursuit : « A eu une conduite exemplaire aux interrogatoires et dans la dure vie des camps. A été porté disparu au camp de Sachsenhausen après quarante mois de souffrances courageusement supportées. »
« Après la guerre, poursuit Edouard, ma mère a gardé l’espoir de le voir revenir. Avec beaucoup de courage et un seul diplôme de dactylographie, elle est devenue une femme d’affaires ! Elle m’a transmis les valeurs qu’elle partageait avec mon père pour créer et entretenir un monde meilleur. »
Après 80 ans, le stylo-plume qu’Alphonse De Jongh avait sur lui lorsqu’il fut arrêté est revenu en Belgique. Grâce à son nom, trouvé dans un arbre généalogique, Ellen de Visser a pu le restituer à sa famille : « Je conserve le stylo de mon père, qui est toujours en état de marche, bien précieusement. C’est le premier cadeau que je reçois de mon père. » confie Edouard De Jongh.
Le projet de restitution n’est pas achevé. Il reste une vingtaine de noms à trouver.
Ellen de Visser ajoute : « Nous poursuivons nos recherches sur MyHeritage. Nous avons pu dresser un arbre généalogique pour plusieurs prisonniers. Cela nous a donné beaucoup d’informations supplémentaires, et nous pouvons ainsi continuer nos recherches. C’est un travail très significatif. Quand je restitue un objet, les gens sont tellement heureux. C’est très émouvant et très inspirant. Parfois, ce n’est qu’un portefeuille vide ou quelques morceaux de papier, mais pour eux, c’est tout un monde. »
Beaujean Marie-Louise
8 avril 2024
Bravo, cette histoire est digne d’un conte des mille et une nuits, j’imagine l’émotion de ce monsieur, merci de ce travail