Un marin breton devenu inventeur en Californie : le lien renoué entre la France et les Etats-Unis
- De Elisabeth
Françoise Corfdir, 62 ans, résidente dans les Côtes-d’Armor, s’est attachée à retracer le parcours d’immigration d’un marin breton, rencontré au détour d’une recherche sur MyHeritage. Ce faisant, elle a levé le mystère de ses origines auprès de l’arrière-arrière-petite-fille américaine de ce dernier. Un bel exemple de collaboration entre utilisateurs de MyHeritage.
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‘Depuis quelque temps mon attention avait été attirée par un email d’alerte de MyHeritage sur le nom de famille Crechriou, raconte Françoise. Il s’agit d’un nom breton, peu répandu et enraciné dans une partie des Côtes d’Armor autour de Tréguier dans le Trégor. MyHeritage me suggérait une correspondance avec un certain Yves Marie Crechriou, originaire de Bretagne et décédé en Californie en 1924.
Sur les traces d’un mystérieux marin breton parti en Californie
Il s’agit du nom de famille de ma très chère grand-mère et, à l’heure de la retraite, avec enfin du temps à moi, j’ai décidé de creuser cette piste. J’ai alors constaté que six ou sept autres utilisateurs américains sur MyHeritage, ont cet Yves Marie dans leur arbre, avec diverses incertitudes sur la date de naissance et le lieu : Bretagne, Loire atlantique….
J’ai entamé des recherches, en particulier dans les registres de circonscription militaires et j’ai repéré un seul Crechriou, né en 1856, pouvant correspondre. De plus, le registre mentionne qu’à l’âge du service militaire, il était déjà marin. Un pas est franchi vers la Californie ? La piste est mince car les dates de libération du service militaire ne correspondaient pas à l’installation de Yves Marie en Californie vers 1880. En revanche, les registres de sa commune de naissance ne mentionnent pas de mariage, ni de décès, alors est-ce notre homme ?
Une visite au service historique de la défense à Brest m’a permis de retracer sa carrière de marin, qui s’interrompt brusquement en 1881, et là un petit miracle se produit : la page mentionne une enquête menée en 1892. Yves Marie est recherché par les autorités militaires et son beau-frère répond qu’il est désormais établi à San Lucas en Californie comme fermier !
Retrouver la famille américaine de Yves Marie
Ensuite, par l’intermédiaire de l’outil SearchConnect, j’ai repéré une utilisatrice américaine qui cherchait elle aussi ce nom et je l’ai contactée via la messagerie interne de MyHeritage. Carolyn est une arrière-arrière-petite-fille d’Yves Marie ! Depuis nous sommes en contact. Elle est ravie de sortir de l’impasse et d’avoir des éléments sur son ancêtre. Comment un petit breton né en 1856, ne parlant pas français au départ, fils de tailleur, a-t-il pu devenir marin, puis aventurier, fermier et enfin, fait remarquable, inventeur en Californie ? Une illustration du rêve américain ! Une leçon sur l’immigration !’
Passionnée de généalogie, mère de deux enfants, Carolyn est enseignante dans l’Utah. ‘Avant d’être contactée par Françoise, je ne connaissais de la vie de mon arrière-arrière-grand-père que la partie américaine, nous a-t-elle confié. Yves Marie Crechriou était une impasse généalogique dans mon histoire familiale car personne dans ma famille ne lit le français. Je n’ai jamais pu me connecter avec mes racines françaises à cause de la barrière de la langue. Maintenant, ces racines sont devenues une part importante de mon identité. J’ai hâte d’en savoir plus sur l’origine de ma famille grâce aux recherches de Françoise.’
‘Plus récemment, poursuit Françoise, j’ai découvert dans les archives de Bordeaux les circonstances qui l’ont amené à rester en Californie. Il faisait partie de l’équipage d’un navire de commerce appelé Océanie. Le navire quitta Bordeaux le 19 mai 1879, à destination de Nouméa en Nouvelle-Calédonie où il arriva le 9 octobre 1879. Durant l’hiver ils poursuivirent leur voyage vers Tahiti, et au début de 1880, ils étaient au large de l’Australie. Ils arrivèrent à San Francisco le 25 février 1880 et, de là, firent des allers-retours avec à leur bord des passagers, toutes sortes de marchandises et des lettres entre les consuls de France de San Francisco et de San José du Guatemala. Le 25 septembre, le navire est de retour à San Francisco, et Yves reçoit la visite d’un médecin à bord car il est inapte au travail. Il avait une hernie inguinale et dû se rendre à l’hôpital américain en octobre.
Le navire devait rentrer en France avec un chargement de blé et quitta le port le 20 octobre 1880. Yves était toujours hospitalisé mais il est resté inscrit sur le rôle d’équipage à Bordeaux, car il avait droit à sa paye, il n’était pas déserteur.
Un bateau manqué et une nouvelle vie qui commence
C’est ainsi qu’il n’a pu effectuer le voyage retour en France et qu’il est resté en Californie. Il aurait dû rentrer sur un autre navire français car un autre bateau lui était désigné mais il ne l’a pas pris. Cela explique les recherches faites par les autorités maritimes.
En Californie, une autre histoire commence. L’année suivante, en 1882, il épouse à Monterey, une jeune californienne, Nancy Jane Williams. Ils auront cinq enfants avant de divorcer.
Il sera d’abord fermier, puis manager d’une salle de billard et, à la fin de sa vie, il tiendra un magasin de cigares ! Il sera surtout un inventeur. En 1909 et 1910 il dépose un brevet autour d’un dispositif de sécurité automatique sur les voitures et les trains, suivi en 1911 par un brevet portant sur l’amélioration de la table de billard.
Un petit breton qui se retrouve en Californie, et devient inventeur, c’est extraordinaire !
Ces recherches m’ont fait faire un gros progrès sur ma propre branche Crechriou. Je cherche encore le lien entre nos deux familles. Nous avons peut-être un couple d’ancêtres commun ayant vécu entre 1585 et 1645 (Guyon Crechriou / Marguerite Le Flem = 12 générations !), et je travaille à un padlet sur ce personnage pour permettre aux descendants de suivre son épopée.’