Le retour du Bob – Une histoire de la coupe au carré à travers les âges
- De alizee
Lily Collins, lors de la première de la saison 4 d’« Emily in Paris », et Angèle, lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques, ont été les principales ambassadrices de LA coupe de cheveux tendance de cet automne : le Bob rasé (bien que n’importe quelle variante de la coupe « Bob » fasse l’affaire).
Comme toutes les tendances, la coupe Bob est une réinterprétation d’une mode du passé. Toutefois, cette coupe au carré, aujourd’hui très en vogue, était autrefois considérée comme absolument scandaleuse avant de devenir populaire, il y a exactement un siècle.
Les Françaises, pionnières de la coupe au carré
La coupe au carré a gagné en popularité au cours des années folles aux États-Unis, une période de profonds bouleversements sociaux et culturels, particulièrement pour les femmes. Auparavant, cette coupe au carré était considérée comme une excentricité, même dans les milieux subversifs. L’actrice française Polaire est l’une des rares femmes qui se souciait peu de ce qui était jugé socialement acceptable. Dès la fin des années 1890, Polaire arborait déjà une coupe au carré en France. Dans les années 1910, lors de ses tournées aux États-Unis et au Canada, elle a contribué à exporter cette tendance outre-Atlantique. L’origine de la coupe Bob remonte encore plus loin, à la France du XVe siècle, où Jeanne d’Arc, héroïne française, a défié les rôles traditionnels de genre, notamment avec sa coupe de cheveux courte.
Les flappers des années folles
La coupe au carré s’est imposée dans les années 1920, au coeur des années folles, une époque de bouleversements sociaux et culturels significatifs, surtout pour les femmes. Les « Flappers » des années 1920, ces jeunes femmes qui défiaient les normes sociales en adoptant un style de vie moderne et émancipé, ont été le visage de cette évolution des moeurs. La coupe au carré faisait partie intégrante de leur apparence, devenant ainsi un symbole marquant de la libération et de l’indépendance des femmes. Pour mieux présenter ce phénomène au grand public, le Weekly Journal-Miner a consacré sa première page, en août 1922, à ce sujet. Le journal y exposait les caractéristiques de la véritable « Flapper », décrivant, entre autres, « des cheveux coupés au carré », associés à une « frange de Flapper sur le front », ainsi que « des genoux nus exposés » et des « bas roulés avec une jarretière fantaisie ».
Un point de départ (involontaire) vieux de 110 ans
La coupe au carré ornait la tête des femmes avant les Flappers, surtout celles issues des franges subversives de la société. Elle remonte même à l’héroïne française du XVe siècle, Jeanne d’Arc, qui a défié les rôles traditionnels des hommes et des femmes, et pas seulement par sa coiffure.
Cependant, la coupe Bob moderne doit beaucoup à Irene Castle, danseuse et icône de la mode, qui, en 1914, a accidentellement popularisé cette coupe. Castle, née en 1893 à New York, s’est fait connaître dans les années 1910 avec son partenaire, Vernon Castle, une célébrité dans le monde de la danse. Mais sa coupe courte n’était pas à l’origine un geste de mode audacieux. En réalité, elle s’est coupé les cheveux avant une opération de l’appendicite pour des raisons de confort.
Après être apparue en public sans chapeau, sa coiffure a surpris et choqué beaucoup de gens. Pourtant, pour certaines femmes, cette coupe, si courte qu’elle dévoilait à peine le lobe de ses oreilles, a été perçue comme libératrice. Très vite, d’autres Américaines ont suivi cette mode, baptisée le « Castle Bob » manie, ou une autre variante de la coupe Bob. Castle devint ainsi un modèle pour les amateurs de coiffure, mais aussi pour les Flappers.
En septembre 1920, plusieurs journaux américains, tels que The Washington Herald, Arizona Republican et The Evening Independent, The West Virginian et le Canadian Morning Leader ont publié des articles annonçant l’essor de cette nouvelle tendance capillaire, déclarant : « Aucun style de coiffure moderne n’a autant captivé toutes les générations que le Bob, qui semble même gagner en popularité. »
Le Cheyenne State Leader a publié une version plus élaborée, incluant des témoignages de femmes d’affaires et d’artistes qui vantaient les avantages pratiques des coupes courtes. Mlle Millin Davenport, rédactrice en chef d’un magazine, a affirmé : « Je suis une femme très occupée. Je n’ai que quelques heures par jour pour accomplir mon travail… et je sais que mes cheveux courts me permettent de faire des choses que je n’aurais pas pu faire autrement. »
Finalement, la coupe Bob s’est imposée partout, qu’elle soit ou non associée aux Flappers. Le Milwaukee Journal a analysé la tendance de manière empirique et a publié, le 24 avril 1926, que « 75 % des femmes de la ville se font couper les cheveux, et la majorité d’entre elles en sont satisfaites ». D’après cette étude de consommation de 1926, les données montrent que « le pic de popularité a été atteint » pour les coupes courtes. Cependant, cela ne signifie pas que le Bob est passé de mode, mais plutôt qu’un plus faible pourcentage de femmes continue à adopter la coupe au carré.
Ce style est désormais bien ancré, et même si la mode évolue, la coupe Bob demeure un symbole intemporel de modernité et d’émancipation.
Au début des années 1930, la coupe au carré était déjà perçue comme une nouveauté passée. Cependant, le Bob a connu un véritable regain de popularité dans les années 1960, sous l’influence de figures emblématiques de la mode comme Twiggy et du célèbre coiffeur Vidal Sassoon. Les coupes géométriques et angulaires de Sassoon ont redéfini le carré, le transformant en un symbole de modernité et de sophistication.
Mais ce sont les femmes des années 1920 qui ont fait du Bob bien plus qu’une simple coupe à la mode, en en faisant une véritable icône culturelle. L’actrice Louise Brooks a été l’une des premières à adopter ce style de coiffure. Son carré élégant, coupé au niveau du menton et connu sous le nom de « Lulu Bob », avait un charme cinématographique indéniable. Elle est devenue une figure marquante à l’écran, notamment dans des films emblématiques comme Pulp Fiction (avec Uma Thurman), Léon (avec Natalie Portman), Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (avec Audrey Tautou), et bien d’autres encore.